Collection
"NUAGE ROUGE"
Fondée en 1991 et dirigée par Olivier Delavault

ADRIAN C. LOUIS
 
COLERES SIOUX. LES GUERRIERS D'IKTOMI

Skin

&

 

INDIENS DE TOUT POIL ET AUTRES CREATURES

Wild Indians and others Creatures

Littérature indienne contemporaine

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Danièle Laruelle

Tu te demandes sans doute pourquoi je t'écris tout ça. Au juste, je n'en sais rien, mais il fallait que ça sorte et je me suis souvenu que tu m'avais aimée. En tout cas, moi, je t'aimais. Quoiqu'il en soit, les grandes villes ont le dont de sucer les Indiens jusqu'à la moelle pour les recracher ensuite. Nous allons dans les villes pour nous y perdre, ou alors pour mourir. Ou encore, pire que tout, nous allons dans les villes pour devenir des Blancs.

En 1995, Adrian C. Louis, membre de la tribu paiute lovelock du Nevada, diplômé de Brown University, publiait son huitième recueil de poèmes et son premier roman Skin, publié dans la présente collection sous le titre de Colères sioux. Les Guerriers d'Iktomi.

par Danièle Laruelle qui oeuvra aussi pour les ouvrages des écrivains indiens N. Scott Momaday et Ron Querry, les livres de Louis détonnent et dérangent. Il suffit alors de se rappeler ce qu'écrit la traductrice dans son avant-propos pour Colère sioux, et qui reste valable pour le présent ouvrage, afin de tenter de saisir Adrian C. Louis :

Le roman de Adrian C. Louis que vous avez en main est imprégné de tradition orale, construit et raconté à la manière des cycles de légendes indiennes concernant le Trickster, personnage trouble, à la fois bienfaiteur, porteur de connaissance, et joueur impénitent de tours bons et mauvais. Iktomi, le Trickster sioux, tient d'ailleurs dans le roman une place importante. Ce choix narratif conférerait une dimension mythique aux protagonismes humains si le récit n'était pas ancré dans la réalité quotidienne la plus sordide.

Prenez pour cadre la réserve de Pine Ridge, lieu le plus pauvre des Etats-Unis avec un taux de chômage supérieur à 80% et un problème d'alcoolisme endémique.

Prenez pour héros un flic de réserve dont le frère, son double mythique et sa part d'ombre, est alcoolique. Vous embarquerez pour un drôle de « voyage au bout de la nuit » , une plongée dans ce que l'auteur appelle avec son personnage la « zone d'ombre façon indienne ».'alcool, le sexe, la violence et le racisme sous toutes ses formes sont au coeur du roman. Le choix de la langue est marqué lui aussi. Le style parlé domine, puise abondamment dans l'argot et l'argot de réserve ; il est truffé de jurons dans les registres sacré et profane, registres que la traduction reproduit scrupuleusement. A un moment du livre, Rudy le héros, regrette d'avoir fait des études supérieures. C'est une clé.à un livre issu d'une « minorité ethnique » - guillemets de rigueur -qui ne cherche pas à se rendre acceptable à nos yeux, à se faire accepter de la Grande Tradition Littéraire Occidentale - majuscules de rigueur. Tout au contraire, le livre se situe aux antipodes du « politiquement correct », se pose d'emblée comme n'ayant rien à perdre et ose en conséquence avouer l'inavouable. Il choquera. quiconque surmonte le choc et regarde sans crainte le miroir qu'il nous tend à beaucoup à apprendre, sur lui-même et sur l'autre - donc l'Indien en l'occurrence - ; sur notre humanité commune, avec ses faiblesses et aussi ses valeurs inaliénables, même dans le pire contexte. Et sur l'espoir, sur l'indéfectible optimisme qui s'attache à toute vie. un tour de passe-passe digne du Trickster, Adrian C. Louis rejoint ici la tradition des contes dont l'enseignement se situe par-delà le miroir, au-delà des apparences. nous de faire l'effort et de les transcender. Le propre de l'initiation est d'être douloureuse.

Danièle Laruelle.

Racontées parfois sur les mode des légendes anciennes, ne dérogeant jamais avec la pensée indienne d'hier comme d'aujourd'hui, ces histoires, inspirées de la réalité contemporaine, surprendront ceux qui entretiennent des idées d'harmonie et de romantisme sur la vie des Indiens. Dans ces récits, les animaux parlent, ainsi de Coyote, d'Ours et de Corbeau, et leurs pendants humains respectifs boivent. Ces nouvelles, pour la plupart plus qu'irrévérencieuses, sont adaptées de contes traditionnels concernant le Trickster, animal farceur et souvent malfaisant de plusieurs mythologies amérindiennes : Coyotes en rut à figure humaine, Corbeaux obsédés sexuel et Ours sages compris. Transcendant le modèle, cette littérature novatrice touche le coeur de la réalité indienne d'aujourd'hui.ées autour et sur la réserve oglala de Pine Ridge, Dakota du Sud, parfois plus loin comme à Los Angeles, ces histoires déroutantes fonctionnent presque comme un roman. Certaines sont désopilantes, d'autres tristes, dépouillées, et cependant, profondément humaines et bouleversantes. Les vies des personnages s'entrecroisent au fil de ces nouvelles souvent paillardes mais toujours émouvantes et mémorables. La langue d'Adrian C. Louis est dure, satirique, mais ô combien lucide, sur les rapports de pouvoir, et traversée par un humour tranchant. Authentique et amère, elle est nécessaire et à la hauteur des drames humains qu'elle évoque. C. Louis est l'un des principaux poètes indiens actuel. Il décrit sans concession les problèmes sociaux de la vie de réserve tout en parlant d'espoir et de survie des peuples indigènes. Sa langue est celle de Coyote le Triscker qui parle, celle de la rue et des clochards, celle des réserves, de la vieille femme aux jeunes, des ratés, des fêlés et des purs génies. Malgré l'enfer de la Rez, Louis écrit avec le coeur de ses ancêtres paiutes.

Paiute lovelock, Adrian C. Louis enseigne à l'Oglala Lakota College sur la réserve sioux de Pine Ridge. Son premier roman « Colères sioux, les guerriers d'Iktomi » a été publié dans la présente collection. Ses écrits lui ont valu de nombreux prix ainsi que des bourses du Conseil des Arts du Dakota du Sud.
 

A propos de Colère sioux, deux commentaires d’auteurs Natives, traduit par Danièle Laruelle

" Adrian C. Louis a écrit un ouvrage violent et dangereux sur les Sioux d’aujourd’hui. Ce premier roman brosse un tableau complexe du racisme et de la fraternité, du sexisme et de l’affection, du meurtre et de la rédemption, de l’alcoolisme et du rire. Ce ne sont pas non plus des Indigènes d’Amérique. Ce sont des Indiens – oui, des Indiens – qui vivent, aiment et meurent dans la réserve de Pine Ridge, Dakota du Sud. Colères sioux parle de l’amour entre frères, entre homme et femme, entre parents et enfants. Malgré toute la souffrance et aussi à cause d’elle, ce roman est une histoire d’amour. "

Sherman Alexie

" Colères sioux causera quelques vagues dans la Rez comme en dehors. C’est un roman magnifiquement écrit, plein de personnages marquants, d’humour pertinent et d’authentique compassion. "

James Welch


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© Olivier Delavault - Mars 2000.